الرئيسية » 24 ساعة » japon : Intervention de M. Jacky Kadoche
Jacky Kadoch, président de la communauté juive de Marrakech-Essaouira, Akrich, près de Marrakech

japon : Intervention de M. Jacky Kadoche

.

l intervention   de M. Jacky Kadoch, président de la communauté juive de Marrakech-Essaouira
au japon lors la Consultation internationale de haut niveau
Partenariat avec les responsables religieux du Moyen-Orient pour faire avancer
La protection des minorités dans les pays à majorité musulmane
12-13 mai 2016  décrit le caractère particulier des relations interconfessionnelles dans le Royaume du Maroc, surtout en ce qui concerne la communauté juive. Ses répercussions positives ont une très large portée et résonnent fortement avec les besoins de notre monde actuel.
.

+

 

Intervention de M. Jacky Kadoch
Président de la communauté juive de Marrakech-Essaouira

Consultation internationale de haut niveau
Partenariat avec les responsables religieux du Moyen-Orient pour faire avancer
La protection des minorités dans les pays à majorité musulmane
12-13 mai 2016 | Le Ritz-Carlton
Tokyo (Japon)

Dr William F. Vendley
Secrétaire général
Religions pour la paix
 M. Nassir Abdulaziz Al-Nasser
Haut Représentant des                                Nations unies Alliance des civilisations

Honorable audience

C’est un immense honneur de venir dans cette belle ville pour m’entretenir avec vous au sujet de la vie et de l’expérience de la communauté juive marocaine.

Ceci est dû à la nature particulière du Royaume du Maroc, situé à la pointe de l’Afrique, à proximité de l’Europe, avec une population qui est quasi totalement musulmane. C’est « un pays qui, avec ses dirigeants et peuple, s’est de tout temps affirmé comme un modèle et une source d’inspiration en matière de protection des droits des minorités religieuses ».

Mesdames et Messieurs, la phrase que je viens de lire est tirée de la Déclaration de Marrakech, établie en janvier de cette  année, à la fin d’une conférence sans précédent de savants et d’intellectuels musulmans de plus de 120 pays pour préciser et réaffirmer en cette période critique le point de vue des musulmans sur les droits des minorités religieuses dans les pays à majorité à prédominance musulmane.

Cette conférence a été organisée sous le haut patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Roi du Maroc, dans le contexte tourmenté qui sévit dans bien des régions du monde musulman. Cette situation, comme nous le savons trop bien, a été marquée par l’affaiblissement du pouvoir légitime des Etats et la publication d’édits au nom de l’Islam, dont ils dénaturent en réalité les principes fondamentaux. Cela a débouché sur la violence, touchant aussi bien les musulmans que les minorités religieuses. Par ailleurs, non seulement l’image de l’Islam court le risque d’être déformée, mais avec elle aussi la perception de la vie pour les minorités religieuses vivant dans le monde musulman.

La vérité est que le sol marocain constitue un havre pour l’une des communautés juives les plus importantes du monde arabe depuis 2000 ans sans interruption, tant en milieu rural qu’en zone urbaine dans tout le Royaume. Ce dernier a en effet accueilli des dizaines de milliers de juifs ainsi que des réfugiés musulmans, qui ont fui ensemble la persécution religieuse en Espagne et au Portugal il y a 500 ans.

Aujourd’hui, les membres des communautés juives (et chrétienne) vivent principalement dans quelques grandes villes et représentent probablement moins de 1 pour cent de la population totale du pays, mais les deux religions sont officiellement reconnues dans le Maroc moderne.

En tant que président de la communauté juive dans la région de Marrakech, je peux attester que l’identité juive marocaine est ouvertement reconnue et soutenue au sein de la société. La majorité de la communauté juive a quitté le royaume au cours du siècle dernier, mais les Juifs d’héritage marocain du monde entier entretiennent des rapports chaleureux avec le pays, exprimés de différentes manières tant au niveau public que personnel. Tout cela se détache comme quelque chose de spécial au sein de la culture et de l’histoire juives, ainsi que dans le contexte mondial.

En ces moments critiques, comment continuons-nous à exprimer les valeurs qui permettent de le faire ? Le point de départ réside certainement dans le texte même de la déclaration de Marrakech, qui apporte, du point de vue de l’Islam, la réponse appropriée à la situation actuelle.

Sur cette base, divers appels concrets à l’action sont dirigés vers différents groupes, chercheurs, intellectuels, pédagogues, politiciens et innovateurs, musulmans et fidèles d’autres religions. L’un de ces appels nous enjoint « de reconstruire le passé en ravivant cette tradition de convivialité, et en rétablissant la confiance mutuelle qui a été minée par des extrémistes à travers des actes d’agression et de terreur ».

Telle est l’essentiel de mon rôle, qui comprend le privilège de vivre au quotidien avec les Marocains musulmans dans le respect mutuel et avec la responsabilité de préserver et de partager l’histoire et la culture juives du Royaume. En tant que pays en développement, la préservation culturelle est liée à des projets vitaux de développement humain dans le cadre d’un modèle progressif de changement mis en avant par Sa Majesté le Roi Mohammed VI.

Ainsi, nous possédons par exemple des documents d’archives d’importance mondiale, le reste étant négligé et non catalogué dans divers endroits à travers le Maroc. Quoi de mieux que d’organiser un projet d’archives qui implique non seulement des universitaires juifs déjà établis, mais aussi le public marocain, en particulier les jeunes ?

Nous avons la possibilité d’utiliser des synagogues historiques et plus de 600 lieux d’inhumation juifs dispersés à travers le Royaume pour faire connaître la présence historique juive et les aspects positifs qui en découlent. L’un de ces aspects est l’art spécifiquement « marocain » de la prière et de la célébration, qui a des points communs avec nos compatriotes musulmans.

Dans cet esprit, l’espace juif pourrait également être utilisé au profit de la communauté. Par exemple, depuis 2012, dans un village situé au sud de Marrakech, nous travaillons en partenariat avec la Fondation du Haut Atlas, une organisation maroco-américaine à but non lucratif, pour permettre aux villageois de planter des arbres fruitiers bio sur des terres jouxtant des cimetières juifs. Une fois mûrs, les arbres sont remis aux paysans musulmans défavorisés dans le cadre d’une initiative nationale visant à surmonter l’agriculture de subsistance. Dans le même temps, il est naturel que cela fasse parler des cimetières et de leurs besoins d’entretien.

L’avantage intangible en est la confiance établie et renforcée entre les différents groupes. Cela se passe « sur le terrain » et se propage bien au-delà, par le biais des médias internationaux, avec une portée considérable.

Qui sait, peut-être que de telles initiatives peuvent aussi avoir pour effet d’attirer et d’accueillir un plus grand nombre de Juifs au Maroc dans les générations futures. Cela étant, il est évident que, d’une manière générale, tout le monde peut bénéficier de ces exemples. Pour boucler la boucle, la confiance que j’évoque est profondément enracinée au Maroc à cause d’une vieille vision spirituelle commune qui transcende souvent l’appartenance ethnique et la foi. Aujourd’hui, j’invite toutes les personnes présentes, quelle que soit leur culture, à se joindre en partenariat avec cette grande entreprise.

La communauté juive marocaine sert de modèle à plusieurs égards : la continuité de son existence dans un lieu particulier ; la conservation des traces de son passé ; sa capacité à s’intégrer dans la vie du pays pour régénérer ses institutions et agir comme porte-drapeau de son héritage historique, ainsi qu’à frayer de nouvelles voies pour l’avenir.

Elle constitue également un modèle en vertu de sa fidélité aux principes de tolérance et de modération, de compréhension et de paix qui caractérisent « l’exception marocaine » si souvent remarquée.

Cette loyauté et ce sentiment d’appartenance sont magnifiquement évoqués dans la Constitution marocaine de juillet 2011, qui inclut le terme « hébraïque » dans sa définition de l’identité nationale marocaine.

La communauté juive marocaine, solidement ancrée dans son patrimoine historique et géographique, a toujours privilégié la dynamique de l’apaisement et de l’attachement aux communautés de la diaspora juive marocaine. A cet égard, elle continue d’être un lien, une passerelle et un point d’ouverture et de dialogue pour la paix.

Tout comme les souverains marocains successifs n’ont jamais renoncé à protéger les communautés juives, ces communautés juives n’ont jamais renoncé à leur attachement à leur identité marocaine, et ce qu’elles vivent au Maghreb ou sous d’autres cieux.

Le Royaume du Maroc n’a ni rejeté ni oublié tous ses enfants, qu’ils vivent en Israël, en Europe ou dans les Amériques. De même, plus d’un million de Juifs marocains n’ont jamais coupé le cordon ombilical avec leur communauté et leur pays d’origine où ils reviennent régulièrement, motivés par un fort attachement émotionnel et sentiment d’appartenance. Le Maroc peut compter sur la loyauté active des communautés juives marocaines à travers le monde,

Chers amis, je voudrais conclure en réitérant, au nom de toute la communauté juive du Maroc, ainsi qu’en mon nom personnel, nos vœux sincères de santé et longue vie à notre roi bien-aimé,

Sa Majesté Mohammed VI,
Que Dieu le glorifie et le comble en la personne de
Son Altesse Royale le Prince Héritier Moulay Al Hassan.

Que Dieu tout puissant vous protège et bénisse tous les peuples unis dans la paix. AMEN

Je vous remercie de votre aimable attention.
Shalom Älékhém wa Salam Äléykou wa Rahmatou ALLAH wa Barakatouh

Jacky Kadoch est né et a grandi à Marrakech et a effectué ses études à Genève. Il président de la communauté juive de Marrakech-Essaouira depuis 2002 et à ce titre est très actif en matière de dialogue interculturel.